Béatrice NICOLLIER-DE WECK
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Situation vraiment difficile, dramatique même, que celle de cette petite République de Genève, soutenant depuis trois ans une guerre épuisante contre le grand seigneur voisin, le duc de Savoie, beau-fils du roi d'Espagne, Philippe II. La ville était exsangue, ne sachant plus où emprunter pour tenir encore, réduite à implorer une aide charitable des amis lointains, qui consentiraient, eu égard à des liens religieux importants, un don même modeste, mais qui permettrait de tenir encore. Dans cette situation, Théodore de Bèze écrivit lettre sur lettre, pour obtenir en quémandant ces quelques miettes indispensables. Et il en résulta quelque chose, grâce aux missions des Genevois Anjorrant aux Pays-Bas, et Liffort dans les pays de l'Est, Silésie, Hongrie et Pologne, porteurs des messages de M. de Bèze, que tout le monde connaissait. Exemple étonnant d'un moment de sympathie internationale, qui fonctionna grâce au réseau des admirateurs du grand théologien. Les discordances, les exagérations, les circonstances extérieures (épuisement de l'ennemi affaibli pour des raisons internationales aussi) n'ont pas manqué non plus. Ceux que cet étonnant "melting-pot" intéresse, liront avec curiosité ces documents vibrants.
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1591 est encore une année de guerre entre Genève et la Savoie, mais la région est tellement dévastée que les armées ne peuvent plus s’y nourrir et ont quitté les lieux, et la ville si épuisée qu’elle ne peut profiter de la situation et doit se replier sur elle-même en implorant le secours de ses amis (Bèze écrit nombre de lettres en ce sens). Les opérations militaires ont lieu en Provence ou en Dauphiné. De la France devrait venir le secours, mais Henri IV, aux prises avec la Ligue, ne peut rien faire. Et les Suisses ? Leur équilibre confessionnel est si précaire qu’ils ne peuvent aider efficacement les Genevois sans le mettre en péril. Quant à Bèze, soucieux de maîtriser les ennemis de la bonne doctrine, il s’attaque à Lescaille, le trublion de l’Eglise française de Bâle, et à son inspirateur Aubery. Cette lutte pour le vrai sens de la justification et de la sanctification rejoint celle qu’il conduit contre les « moyenneurs » de France (ceux qui espèrent ramener la paix confessionnelle en ce pays grâce à des concessions doctrinales), car les uns et les autres tendent à rejoindre le semi-pélagianisme de l’Eglise romaine.
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La grande affaire de l’année 1589, c’est la guerre que Genève a déclarée à la Savoie, en avril. Voilà Bèze transformé en correspondant de guerre, envoyant à ses amis des nouvelles du front. Il le fait dans le style des vieux Romains, Tite-Live, Salluste, César … Ce qui est très apprécié : on en donne lecture au Conseil de Zurich ; Grynaeus, à Bâle apprécie tant ces récits, qu’il fait faire une publication de l’une de ces lettres, non sans y ajouter quelques citations et développements supplémentaires, et ce sera une brochure d’actualité paraissant à Bâle en juillet sous le titre d’Expositio Verissima. Mais en juillet, on pouvait encore envisager l’avenir avec optimisme, espérer une victoire assez retentissante pour que le duc de Savoie se contienne au-delà des Alpes, sans plus molester les Genevois. Las ! Il n’en fut rien. Les alliés de Genève se dérobaient les uns après les autres, la France, Berne… et les Genevois restaient seuls, avec leur toute petite armée, face au gendre du roi d’Espagne ! Cela n’empêche pas Bèze d’applaudir à l’accession de Henri IV au trône de France et de lui faire une propagande infatigable auprès des Suisses. Notre volume donne aussi de curieux carnets donnés au roi Henri pour gouverner la France, car on a autrefois cru que ce document datait de l’avènement royal d’août 1589. Une étude plus attentive a permis de le dater de 1576 : on le trouvera donc parmi les Addenda des tomes précédents.
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Comme toujours, la Correspondance de Théodore de Bèze participe de l’histoire de la France et de l‘Europe protestante. Si elle éclaire l’histoire de la théologie, elle rend aussi compte du destin personnel du poète-réformateur. L’année 1588, pour le premier aspect, est celle du triomphe de la Ligue: la journée des Barricades (12 mai) les ligueurs réussissent à chasser le roi de Paris, et de plusieurs autres villes. Bèze assiste désolé à ces événements, conséquences de la défaite des reîtres de l’année précédente. Dans cette atmosphère désolée, alors que Genève souffre du blocus imposé par le duc de Savoie, deux nouvelles surgissent comme le soleil après l’orage: la mort des Guises, assassinés aux Etats généraux de Blois les 23 et 24 décembre, et le désastre de l’«Invincible Armada», qui sauva l’Angleterre élisabéthaine. Le roi d’Espagne s’en trouve paralysé, au point de ne plus pouvoir soutenir son gendre, le duc de Savoie, dans ses entreprises contre la France et contre Genève. Ce volume de la Correspondance contient également des vers écrits en l’honneur de la reine Elisabeth victorieuse, ainsi que des pages intéressantes sur la prédestination et sur la juste place que la philosophie doit tenir dans la théologie. Enfin l’année 1588 a compté dans la vie de Bèze, en ce qu’elle fut celle de son veuvage et de son remariage.
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Pour les Eglises réformées de France, l’année 1584 marque un faux calme avant la tempête que sera celle de la Ligue, car le duc d’Anjou, frère d’Henri III et son héritier, meurt et le huguenot Henri de Navarre, le futur Henri IV devient l’h©ritier du trône. Bèze a donc toutes les raisons de se réjouir: la paix règne en France, l’héritier présomptif est un prince protestant dont il a toujours suivi avec grande sympathie l’éducation et la formation. L’inquiétude pointe cependan: ce prince saura-t-il résister aux pressions? Déjà, Epernon, au nom d’Henri III, l’avertit: Henri ne succèdera que s’il se convertit. Et cette paix si souhaitable que cache-t-elle? Inquiétudes aussi et surtout pour l’Ecosse, dont le roi veut rendre l’Eglise aux évêques, en sacrifiant l’organisation presbytérienne. Pour l’Angeterre, où l’on n’aime pas non plus la discipline ecclésiastique que prône Bèze. En Allemagne, la belle aventure de l’archevêque de Cologne qui passe à la Réforme, tourne au désastre. Mais le Palatinat revient au Calvinisme avec Jean Casimir. Bèze encourage son ami Grynaeus à terminer sa tâche à Heidelberg alors que l’année précédente il lui reprochait de quitter trop longtemps son poste bâlois.
¢lois.